Der Fliegende Holländer
Le Vaisseau Fantôme
OUVERTURE
Sur les côtes de Norvège, cette nuit,
la tempête fait rage, les vagues s'enflent, se dressent, grondent et l'écume se brise
sur les rocs. Au sein de l'ouragan les vagues se déchirent et laissent apparaître un
vaisseau fantastique aux voiles rouge-sang et au mât noir-ébène. Un homme seul surgit
et sa plainte d'errance couvre un instant les flots et le vaisseau se mêle aux lames qui
déferlent et leur double violence culmine en un tourment qui fait naître l'effroi :
Wagner a rédigé en 1852 un texte qui précise l'histoire que raconte
l'ouverture, histoire qui a précédé l'action . En effet chacune des
sections
musicales de celle-ci correspond aux épisodes suivants :
Le vaisseau effrayant du Hollandais Volant surgit de la tempête et touche terre:
Motif
du Hollandais- Motif de l'errance
La tempête s'apaise, le thème lent et plaintif qui suit annonce la
rédemption possible tandis que le maudit
l'écoute, désespéré:
Avant que l'allegro ne reprenne, l'équipage du
hollandais fourbu s'occupe en silence à carguer les voiles.
L'allegro reprend : c'est le Hollandais, ne voulant plus y croire: tant de fois déjà son espoir a été déçu,
tant de fois il espérait la fin de son tourment, tant de fois il a été trahi.
Un thème soudain guilleret. C'est un autre navire, dont les matelots insouciants voguent vers le port:
Nouvelle reprise de la tempête;
la rage et l'envie du Hollandais l'entraînent à pourchasser ce navire trop insouciant et
les motifs se mêlent, se défient, se provoquent.
Le thème lent et plaintif de la Rédemption revient par 3 fois, fortissimo à présent. C'est le seul cri du
Hollandais durant tout ce périple : Où est la rédemptrice ? Où est celle qui ne sera
pas effrayée par une malédiction aussi implacable ? Puis soudain un arrêt brusque en
plein élan ....
La conclusion de l'ouverture raconte que le retour par 3 fois du thème lent et plaintif
annonçait par 3 fois la lueur d'une rédemption prochaine: un regard de femme qui a traversé son âme comme un éclair, l'attire
vers la terre.
ACTE 1
Dès le départ, Daland interpelle ses matelots. Après des
mois de course, il distinguait Sandwicke, sa maison, sa fille Senta qui l'attendait, mais la tempête l'a détourné. A l'abri dans une
crique, il n'est pas homme, lui, à affronter le diable:
DALAND
Sandwike ist's !
(C'est Sandwike)
Tant pis, reposons-nous, le vent s'est déchaîné trop vite, il finira bien par
s'apaiser. Pilote veille sur nous
Les matelots se sont endormis et alors naît une mélodie, semblable à
une vague, mais non plus démoniaque, bien au contraire, une vague qui, au lieu de
refluer, se déroule et aboutit dans une onde de tendresse à la célèbre chanson du
Pilote :
Mit Gewitter und Sturm aus fernem Meer,
(avec l'orage et la tempête des mers
lointaines)
Mein Mädel bin dir nah
(Bien-aimée, je m'approche )
Quel contraste saisissant, quel choc produit l'arrivée soudaine,
brutale du Vaisseau fantôme, quelle opposition aussi avec le récitatif du Hollandais
blafard, construit sur le
désespoir !
Die Frist ist um, (Le
délai expire)
Toujours le mouvement des vagues. L'air du
Hollandais
est construit symphoniquement sur cette errance sans fin au milieu des
mers. Il a tout essayé pour se libérer, s'est jeté dans les flots, s'est précipité
sur les rochers, s'est lancé sur les pirates , mais tous l'ont repoussé. Impuissant
devant un sort dont il n'est pas le maître, il sait que seule la mort pourrait le
délivrer mais hélas, il ne l'espère plus:
Nirgends ein Grab ! Niemals
der Tod !
( Nulle part une tombe ! Jamais la mort !)
Dies der Verdamnis Schreckgebot !
(Voici l'effroyable décret de la damnation ! )
Instrument de Satan pour l'avoir défié, le marin a pourtant
aperçu un espoir: Une femme fidèle pourrait le délivrer, mais tant d'échecs, de vaines
attentes ont eu raison de lui. Il ne croit plus qu'au jugement dernier:
Wann alle Toten auferstehn
(Quand tous les morts se lèveront)
Le silence impressionnant qui suit a éveillé
Daland. Il aperçoit cette voile sanglante:
ami ou ennemi. C'est la rencontre des deux capitaines, la rencontre des deux mondes. Le Hollandais
répond évasivement au début,
de crainte d'être rejeté, puis va demander au norvégien son hospitalité, lui
présenter les richesses qu'il lui offre pour une simple nuit sous son toit et lui poser
cette question :
Hast du eine Tochter ?
(As-tu
une fille ?)
Oui, répond le capitaine norvégien, une enfant fidèle.
Sie sei mein Weib !
( Qu'elle soit ma femme ! )
A cet instant apparaît de façon extraordinaire cette opposition qui sera présente dans
tout l'opéra entre le côté musicalement italianisant du monde réel que l'on trouve
chez Daland, chez Erik, et le côté hors convention,
wagnérien déjà, du Hollandais
et de
Senta
, les héros du
mythe :
Wie ? Hör ich recht ? Meine Tochter sein Weib
? ..
(Comment? Ai-je bien entendu? Ma fille, son épouse ?... )
Le Hollandais,
lui-même, va prendre des accents conventionnels lorsqu'il s'agit de conclure le mariage.
Il insistera plusieurs fois sur la fidélité : "Treue".
Dans un dernier duo, les personnages ne s'adressent qu'à eux-mêmes.
Le Hollandais
évoque l'ange
libérateur "Senta",
tandis que Daland se félicite
de ce riche mariage et de cette heureuse rencontre.
La tempête n'a plus de raison d'être. Le vent du sud intervient à
nouveau, le pilote, les marins s'éveillent, on peut repartir. L'acte se termine sur le
chant des matelots reprenant la mer pour rejoindre Sandwike.
ACTE 2
Le premier acte s'est déroulé dans un monde d'hommes. Ici va
intervenir l'élément féminin. Les jeunes filles, réunies autour de Senta, attendent l'arrivée de leurs
fiancés, matelots sur le navire norvégien. Tout l'acte va se situer dans cette maison .
Senta,
toujours présente, y sera confrontée
à tous les personnages du drame.
Le chant des jeunes filles bourdonne gai, joyeux ; il détend
l'atmosphère, et là aussi le rythme de flux et de reflux des rouets sur lesquels elles
filent est proche du mouvement de la vague:
Summ, und brumm, du gutes Rädchen,...
(bourdonne, ronronne, mon bon rouet ,....)
Mary, la nourrice,
interrompt le chant car Senta, au
lieu de filer, regarde fixement le portrait du Hollandais. Les jeunes filles révèlent alors l'existence d'
Erik, le fiancé de Senta, un chasseur et non pas un marin\b, ce
qui leur donne l'occasion de railler celle-ci. Absorbée dans la contemplation du
portrait, la jeune fille reste imperturbable et fredonne un passage de la ballade.
Mary gronde Senta qui, au lieu de filer, rêvasse devant une image, puis elle refuse de
chanter la légende qui se rapporte au portrait, ce sera donc Senta
qui va le faire à sa place..
La chanson des fileuses s'efface alors devant la ballade, noyau de l'oeuvre, dans laquelle Senta raconte la légende du vaisseau
fantôme qui pour avoir défié le diable est condamné à errer éternellement sur les
mers. Elle conclue en affirmant que ce sera elle qui sauvera le marin maudit.
C'est l'instant où entre Erik,
qui a assisté à la scène et annonce l'arrivée du père. Mary, à ce moment-là, oublie tout ce qui vient de se passer, et avec les
jeunes filles prépare joyeusement la fête pour le retour des matelots.
La distance entre Senta et Erik est immense, marquée dans la musique
par un écart de tierce majeure entre les tonalités. Senta
apparaît alors telle qu'elle a été définie par Wagner: "une
nature profondément naïve", réagissant à ses impulsions, inconsciente de la
douleur qu'elle provoque :
Ich bin ein Kind und weiß nicht, was ich singe.
( Je suis une enfant et ne sais ce que je chante .)
Mais Erik
connaît le fantôme qui menace son amour. Dans une colère impuissante, il se déchaîne
contre le portrait de la ballade et va même jusqu'à invoquer Satan avant de dévoiler son
rêve prémonitoire, un rêve qui retrace les événements passés (l'arrivée du
Hollandais, la rencontre avec Daland) et annonce les scènes qui vont suivre (la rencontre
Senta-Hollandais, leur passion). Il va alors briser le personnage conventionnel auquel il
appartient et prendre des accents mythiques.
Senta
écoute
ce récit, comme perdue dans un sommeil magnétique, elle s'est, elle-même, projetée à
l'intérieur du rêve. Elle vit ce qu'Erik
a rêvé, l'arrivée des bateaux, les deux hommes: son père, l'autre,
l'homme blafard du rêve, aux pieds duquel elle se jette. Encore une fois, le démoniaque
intervient lorsque, comme folle, elle s'écrie:
Er sucht mich auf! ich muss ihn sehn!
(Il vient me chercher! je dois le voir !)
Mit ihm muss ich zugrunde gehn !
(Avec lui, je dois m'anéantir !)
Eric s'enfuit, épouvanté, et
Senta se reprend à rêver, elle rêve devant le portrait du Hollandais qu'elle
se sacrifie pour lui. Elle se retourne, et là, le Hollandais, son phantasme, son rêve se
trouve devant elle et va lui demander le plus grand des sacrifices: la fidélité jusqu'à
la mort.
Tous deux sont figés dans une sorte d'attente tandis que le père,
Daland, se glisse entre eux, tel un vieux
loup de mer, un entremetteur qui vante les charmes innombrables de sa fille et ne se rend
pas compte qu'il est complètement à côté de l'affaire.
DALAND
Mögst du, mein Kind, den fremden Mann willkommen
heißen
Veux-tu mon enfant souhaiter la bienvenue à l'étranger
Quel contraste étonnant avec le duo qui suit, aboutissement et
complément du monologue du premier acte et de la ballade : Senta et le Hollandais, le marin avec son espoir, elle avec son phantasme. Tous deux cherchent
la rédemption: lui pour la recevoir, elle, pour la donner. - Coup de foudre, évidemment
!
Et alors va s'accomplir, dans cette seule scène, la transformation de
la rêveuse naïve en femme, une femme qui va, pleinement consciente, offrir la paix et le
salut à celui qu'elle aime.
D'abord il y aura un monologue, chacun de son côté, puis la demande
du Hollandais à Senta, sa réponse: " Oui, elle sera sa femme, elle lui apportera le
salut." Et le motif de la rédemption se superpose au chant tandis que la joie
explose dans un duo qui exprime l'intensité de leurs sentiments.
Die düstre Glut,
(La braise sombre,)
Sur le mot "Treue" (fidélité), la scène se termine avec l'arrivée de Daland
dans un trio éblouissant
qui annonce les réjouissances du mariage.
ACTE 3
Dans le troisième acte les contrastes: d'un côté le monde terrien,
joyeux, de l'autre l'irréalité du mythe et des spectres vont s'opposer de façon
grandiose dans la scène de rencontre des deux choeurs. D'un côté la fête avec le
thème de la danse des matelots
norvégiens:
Les jeunes filles apportent des
victuailles aux marins, mais se sentant délaissées, elles se tournent vers le vaisseau
du Hollandais et lancent un premier appel sans obtenir de réponse.
Là commence une escalade dans le jeu du dialogue entre les matelots
norvégiens et les jeune filles, peu à peu effrayées par l'absence de réaction à bord
du navire hollandais. Les marins plaisantent, se moquent d'elles et vont même évoquer le
nom du Vaisseau Fantôme, ce qui va entraîner la fuite de celles-ci.
Les matelots norvégiens se jettent alors sur les victuailles, non sans
interpeller une dernière fois les matelots hollandais. A l'orchestre surgit une certaine
agitation et toute la tension accumulée au cours de la scène va se libérer par
l'apparition spectrale des matelots du vaisseau. Lutte entre les deux choeurs, entre les
deux forces contradictoires, entre les deux mondes.
Choeur des matelots hollandais :
Schwarzer Hauptmann geh ans Land,sieben Jahre sind
vorbei
(Capitaine noir, va à terre, sept années sont
passées)
Lutte inégale, le choeur du Hollandais conquiert le
territoire dans un sinistre éclat de rire.
Suit une brève scène entre Erik et Senta, où
celui-ci, qui vient d'apprendre les fiançailles, est en proie à la plus grande
agitation; il reproche à la jeune fille son infidélité dans une cavatine que l'on peut
rapprocher du récit du rêve de l'acte deux. Mais sur ses dernières paroles est entré
le Hollandais.
Et là intervient la scène décisive pour la compréhension du drame:
Le Hollandais, repart sur la mer, non pas simplement parce qu'il croit avoir perdu le
salut mais pour ne pas entraîner Senta dans sa déchéance. Bien que Wagner n'indique qu'à peine cet
élément, son sens est clair : Le Hollandais est prêt à sacrifier son propre
salut pour sauver Senta;
en cela
il brise lui-même la malédiction dont il est victime et devient seulement, à cet
instant, digne de rédemption.
La scène dans laquelle il se fait reconnaître, est proche du "Sprechgesang", le chant
parlé des futures oeuvres wagnériennes; sa déclamation n'est pas seulement
accompagnée, soulignée par l'orchestre mais les idées y sont exprimées par ce dernier
dans une alliance musique - texte qui annonce déjà, par exemple, le récit de Rome de
Tannhäuser.
Le motif unique qui plane derrière ce récitatif forme un
accompagnement fatal, symbole de l'anéantissement de soi-même.
Erfahre das Geschick
Apprends
le sort
Senta
crie une dernière fois son serment et se précipite dans les flots
tandis que disparaît le vaisseau. Le motif de la
Rédemption s'élève à l'orchestre tandis
qu'apparaissent, transfigurés , réunis dans la mort le
Hollandais et
Senta.
Sur le site italien:
http://www.rwagner.net/e-frame.html
vous pouvez entendre les principaux motifs de l'opéra
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