Tristan und Isolde
Tristan et Isolde
Le prélude est construit sur 7 thèmes qui à eux seuls résument tout le drame. Dabord le Motif de lAveu, motif avec une ligne ascendante, aveu dune passion que les héros noseront se déclarer quaprès avoir bu le philtre. Ce motif est suivi immédiatement par le Motif du désir. Ces deux motifs que lon retrouve le plus souvent ensemble indiquent clairement le sens de louvrage. Cest là que se trouve le fameux " accord de Tristan" (fa si -ré dièse - sol dièse) tout au début du thème du désir. Ce motif est générateur de nombreux motifs de loeuvre qui vont raconter le destin des héros. De la répétition des motifs naît une phrase mélodique le Motif du regard dont la variante immédiate est le Philtre damour, poétique, passionné, il accompagne plus tard ce que Brangäne appelle « der hehrste Trank » il soppose au lugubre Philtre de Mort , thème qui senchaîne sur le thème du coffret magique, le coffret qui contient tous les philtres miraculeux. Ces thèmes vont se développer avec une richesse incomparable dominés par le thème du désir pour aboutir au puissant crescendo du Désir de mourir damour.(transformation du motif du philtre), la mort étant la seule issue possible. ce motif se retrouvera dans le duo après labsorption du philtre et dans lextase de mort de Tristan. Le calme revient peu à peu et le prélude se termine en nous faisant réentendre les thèmes du début.
Le rideau se lève. Le soit disant heureux voyage de noces se trouve en contradiction avec latmosphère chargée de mort qui sétend de la tente dIsolde à Tristan scrutant sans cesse lhorizon. Dès le lever du rideau la voix dun matelot se fait entendre à capella avec le Motif du Chant du matelot. Ce motif caractérisera désormais la mer et nous le retrouvons dans de nombreuses variations, la mer étant présente tout au long de loeuvre
Westwärts schweift der Blick...
(le regard glisse vers louest)
(Donc, le regard tourné vers lIrlande, le pays dIsolde) est accompagné
par un motif chromatique qui rappelle le prélude,
Ostwärts streicht das Schiff
(le bateau file vesr lest)
(le pays du Roi Marke, le monde du jour: la mélodie devient diatonique)
Isolde napprécie pas du tout les paroles quelle entend. Déjà que le
voyage ne lui plaisait pas, si en plus on loutrage, ça ne va plus du tout et elle
va laisser éclater une violente colère: Après avoir rappelé les pouvoirs de sa mère
qui commandait aux tempêtes, dans un déchaînement des thèmes mêlés de la mer et du
désir, Isolde laisse exploser sa haine.
Son souhait: que le navire se brise. Brangäne, la fidèle
servante, ne comprend rien à ce qui se passe. Dautant quIsolde refuse de
donner la raison de sa souffrance. Elle tente en vain de calmer sa maîtresse, celle ci
réclame de lair, elle étouffe.
Luft, Luft
(de l'air, de l'air)
Brangäne ouvre alors les tentures et tandis que la voix du jeune marin se fait à nouveau entendre mais dans une atmosphère alourdie par le soutien orchestral, Isolde regarde Tristan qui, lui, regarde la mer du côté de létrave, cest à dire le passé, lIrlande. A ce chant du marin ne répond plus la colère mais la détresse et la détermination aussi dIsolde. Sur le motif du désir senchaîne le thème de la mort. Deux motifs liés sur les mots
Todgeweihtes Haupt (tête vouée
à la mort) mort de Tristan
Totgeweihtes Herz (cur voué à la mort) douleur
dIsolde
Dès cet instant, Isolde annonce la couleur: elle aime Tristan, mais ils sont voués à la mort. Et après une respiration, elle a utilisé pour le citer le terme le plus méprisant: Knecht (valet). Ce que Brangäne relève aussitôt, et Isolde ne voulant pas nommer Tristan va parler avec ironie du « héros » qui nose venir jusquà elle. Eh bien ! Que Brangäne donne à Tristan, le vassal, lordre de venir saluer sa souveraine. Elle y va, Tristan se dérobe et cest Kurwenal, lami fidèle qui intervient dans une cinglante réponse se moquant de Morold et soulignée par le motif de la gloire de Tristan.
Réponse dautant plus outrageante quelle est reprise par tous les matelots, ce qui déchaîne la colère dIsolde mais aussi son désespoir. Brangäne retourne désespérée. Isolde à ce moment va raconter les événements qui se sont passés avant: le canot misérable, Tristan blessé cherchant son aide sous le nom de Tantris, sa guérison, lépée quelle dresse, le regard qui larrête.
Er sah mir in die Augen
(il ma regardé dans les yeux)
Leurs regards se sont rencontrés et là s'est déclarée une passion foudroyante.
Passion pour un homme quelle vient de sauver par deux fois (elle l'a guéri et a
renoncé à le tuer avec son épée) et amour pratiquement sans espoir : selon le droit
elle ne peut épouser un vassal qui, en outre, a une dette de sang envers elle. Et que
fait cet homme quelle aime ? Il la vend au Roi Marke,
jadis vassal dIsolde. De plus elle va être obligée de le voir sans cesse à la
cour.
Ungeminnt den Hehrsten Mann stets mir nah zu sehen.
(Avoir sans cesse près de moi cet homme sublime qui ne maime pas.)
Isolde est incapable de se soumettre, la voilà ironique, amère sur les institutions.
Dailleurs elle a refusé de se prêter à la mascarade des mots
Was er schwur, das schwur ich nicht / zu schweigen hatte ich
gelernt.
(ce quil a juré, je ne lai pas juré, javais appris à me taire.)
Alors une seule décision simpose, irrévocable: malédiction, vengeance, mort.
« Tod uns beiden »
(Mort pour nous deux)
Alors elle livre son secret à Brangäne.
Mort non seulement pour Tristan mais pour les deux.
Quimporte le philtre damour afin daimer le Roi Marke
et dêtre aimée de lui, plutôt le philtre de Mort: «
Todestrank » et pour tous les 2.
Dès que ce mot a été dit, les matelots vont faire entendre :
Die Segel ein (carguez la
voile ),
ce qui signifie « la terre est proche. Donc le philtre de Mort mais
très vite avant larrivée. Sur ces entrefaites, Kurwenal vient
demander à Isolde de se préparer pour larrivée.
Celle-ci exige alors la venue de Tristan. Seule sa menace de
ne pas le suivre à terre oblige ce dernier à entrer.
Atmosphère sombre immédiatement. Tristan
sait. Que ce soit par lépée ou le philtre, il a compris le dessein dIsolde. Leur affrontement sera souligné par les matelots , qui
interviendront plusieurs fois sur le mot : "Sühne" , mot qui évoque à la fois
lexpiation et la réconciliation. :
Lass uns Sühne trinken.
(Buvons à la réconciliation)
Isolde va narrer avec une amère ironie les évènements qui
ont précédé, ce qui l'attend . Elle aurait encore tant de choses à dire mais le cri
des matelots après les mots:
zu sühnen aller Schuld -
(pour
expier toute faute)
Anker ab: Jetez lancre" décide Tristan à boire sans plus attendre. Il boit sans hésiter. Isolde lui arrache la coupe des mains, boit à son tour. Peu
importe que Brangäne ait remplacé le philtre de mort par le
philtre damour: ils croient tous deux avoir bu la mort.
Et cette conviction davoir bu la mort les arrache à
lemprise du quotidien, des coutumes, des lois. Le philtre révèle les amants à
eux-mêmes, ramène à la conscience tout ce qui était refoulé et ceci va se faire dans
un splendide mimodrame : sur les motifs, du regard, de laveu,
du désir, du philtre, la passion amoureuse simpose à eux. Les liens, les
coutumes de la cour, la loi du sang versé, lobstination, lorgueil, tout cela
sécroule. Face à la mort prévue, ils sont libres et même si tous 2 se sont
trompés sur la mort attendue, ils reviennent au monde transformés. Le jour, le monde a
perdu pour eux sa signification. Ayant perdu le sens du réel, absents de ce monde, rien
ne saurait les arracher à leur extase
Tristan/ Isolde/
Treuloser Held / Seligste Frau.
(héros infidèle/femme sublîme)
A ce moment que dit Isolde? Tristan -
Que dit Tristan ? Isolde -
Que disent les matelots ? Le Roi Marke.
Quel contraste entre la détresse de Tristan et Isolde et les clameurs de plus en plus
enthousiastes des matelots annonçant l'arrivée en Cornouailles dans le monde du jour !
ACTE 2
Isolde est devenue lépouse de Marke mais les amants ne peuvent résister au désir de se retrouver et ceci bien entendu la Nuit, la nuit complice quand le palais sommeille ou quand le roi et sa cour sont à la chasse. Tristan, Isolde naspirent quà cette nuit qui les protège. leur pire ennemi cest le Jour.
Le rideau se lève découvrant le jardin du Roi Marke devant la demeure dIsolde dont la porte est éclairée par une torche. Tant que la torche brille, Tristan doit rester dans lombre. Brangäne prête loreille aux échos lointains dune fanfare. Le Roi Marke et ses compagnons sont partis chasser dans la forêt. Les thèmes de lardeur, de lextase annoncent larrivée dIsolde avec une terrible tension. Elle interroge Brangäne, les chasseurs sont-ils assez loin ?
Brangäne est inquiète. QuIsolde se méfie du chevalier Melot, jaloux de la gloire de Tristan et secrètement amoureux dIsolde. Mais Isolde ne veut rien entendre, elle veut Tristan; elle éteint la torche. Brangäne consternée entre dans la demeure. Du haut de la tour, elle guettera et veillera sur le duo des amoureux. Isolde est en proie à la plus vive impatience. Le bien-aimé se précipite. A bout de souffle, titubant, jubilant, ils volent lun vers lautre. Et là nous assistons à un duo déchaîné, où lexaltation damour explose.
Quel débordement, quelle tempête que ces
retrouvailles car la mer nest pas seulement présente au 1er et au 3ème
acte mais aussi au 2ème acte. A cette tempête brûlante, érotique succède la houle,
une paix profonde, une paix sacrée, de douces harmonies qui évoquent les soupirs mais
aussi les clapotis dune vague, la certitude dun amour qui anéantit les
frontières du toi et du moi. Les deux amants maudissent le jour qui, dans un passé
trompeur, les a contraint à dissimuler leurs propres sentiments. les amants maintenant
nont plus quà se fondre dans la nuit « Nachtgeweihte
» (voués à la nuit).
O sink hernieder, Nacht der Liebe
(Descends sur nous, nuit de l'amour)
A la fin de ce duo apparaît le motif
de la mort libératrice, seul refuge de leur impensable amour, désir de ne plus
jamais se réveiller. Les voix se taisent, les amants restent comme prostrés dans leur
extase. Cest en vain que du haut de la tour, la voix de Brangäne
se fait entendre.
1er avertissement superbe que les 2 amants, perdus dans leur extase, ne peuvent entendre.
Le jour, tant exécré va se lever, bercé par le thème de la
félicité.
Dans la pure contemplation de leur amour va renaître à
nouveau le désir de mort, hymne à la mort damour que
nous retrouverons dans lultime scène au moment de la mort dIsolde. La mort ne
signifie plus pour eux loubli comme dans le 1er acte mais laccomplissement
suprême et léternité de leur amour
So stürben wir.. (ainsi nous mourrions)
Pour la deuxième fois, Brangäne
avertit les amants. Cette fois-ci plus brièvement avec insistance, inquiétude.
Quimporte le retour de la lumière? Tristan et Isolde naspirent plus quà la mort damour
et sur tous les motifs précédents va se développer le duo le plus fantastique,
le plus surhumain de toute lhistoire de lart lyrique sur des vagues
dérotisme, de sensualité
Tristan du, ich Isolde
(Tristan toi, moi Isolde)
Un cri " Rette dich Tristan (sauve
toi) , larrivée de Kurwenal, le jour
intervient dans le rêve. Les amants ont été trahis par Melot.
Dans une plainte é mouvante, le Roi Marke, profondément
accablé, regarde lami qui la trahi. Le roi néprouve ni haine, ni
désir de vengeance. Il ne comprend pas. Il veut trouver la raison de ce qui lui est
insaisissable, mais trop axé sur lui-même il est incapable de comprendre.
Mir dies, dies Tristan mir.
(Me faire cela à moi)
Après avoir évoqué tout le passé dhomme dhonneur, de loyauté de Tristan, Marke ne peut que murmurer « mystère insondable, qui pourrait lexpliquer ? » Tristan ne peut lui répondre que par ces mots, combien importants:
« O König, das kann ich dir nicht
sagen
(O roi, je neux te le dire)
und was du frägst, das kannst du nie erfahren »
(ce que tu demandes, tu ne pourras jamais le vivre)
Il ny a plus de pont entre les acteurs du jour et ceux qui sont voués à la nuit. Tristan tait son secret à son ami royal, exactement comme au 1er acte, il sétait tu devant Isolde. Il regarde intensément Isolde, linvite à le suivre au sombre pays du néant.
« Là où Tristan doit aller, là doit se rendre Isolde » répond-elle. Ils scellent leur union par un long et tendre baiser sur les motifs du désir et de la mort damour. Ce qui a pour effet, évidemment de porter Melot au comble de la fureur et cest comme dans une amère provocation du monde dont il fut jadis le héros que Tristan laisse tomber son arme et se jette sur lépée de celui quil croyait son ami et qui la trahi. Le rideau tombe rapidement.
ACTE 3
Le 3ème acte se situe en Bretagne, au manoir de Karéol, berceau de la famille de Tristan. Cest là que Kurwenal, lami fidèle, a ramené son maître, grièvement blessé. Le manoir semble en ruine. Au chevet de Tristan, Kurwenal écoute son souffle avec inquiétude. Ce 3ème acte , il y a des parallèles . Pas seulement dans lexemple du chant du matelot et du pâtre mais aussi dans le dialogue Tristan / Kurwenal qui par sa construction rappelle le dialogue Isolde / Brangäne et puis lextase fiévreuse de Tristan culmine comme le récit dIsolde sur une malédiction.
Dans le prélude interviennent de nouveaux motifs: la solitude de Tristan, la détresse de Tristan
Dès le lever du rideau, on entend un solo de cor anglais
et le chant du berger qui joue sur son chalumeau un chant dune infinie tristesse.
Cest lattente, lattente du vaisseau dIsolde
que Kurwenal a envoyé chercher. Le début de la scène est
souligné par ces thèmes nouveaux mais Tristan ouvre les
yeux et Kurwenal laisse éclater sa joie.
Tristan se soulève péniblement. Où est-il ? Doù
vient-il ? Kurwenal et lorchestre lui donnent la
réponse par un motif calme, rythmé évoquant le pays natal: le
motif de Karéol. Les échos joyeux sestompent pour laisser la place au motif de la solitude de Tristan. Là, sur sa couche, au-dessus de
la mer, Trista va expliquer le conflit tragique de sa vie à travers des accés de fièvre
terribles, il n'aspire plus qu'à la mort. Dans une 1ère période, Tristan, prisonnier de
sa passion, de sa nostalgie, voué depuis toujours à la nuit
Wo ich erwacht (Là où je me suis éveillé)
La blessure reçue par Melot est une préparation à la mort
tout comme le philtre lavait été , blessure mise en relation avec celle jadis
reçue par Morold. La guérison signifiait la vie et
maintenant quil cherche la mort, seule la même magicienne, Isolde
peut la lui donner. Isolde sans qui il ne peut mourir. Dans une folie fiévreuse, Tristan croit reconnaître le bateau qui la ramène mais lami
plein de compassion doit détruire son espoir : aucun bateau n'est en vue.
Le chant triste du berger rappelle à Tristan son enfance, la
mort de son père, la détresse de sa mère, sa souffrance qui forme le fil mélodique
douloureux de sa vie, il le reconnaît maintenant:
Die alte Weise
(l'ancienne mélodie)
Puis Tristan reconnait sa responsabilité avec le motif de la coupe échangée, coupe dexpiation, coupe qui
la trompé sur une mort à laquelle il aspirait: «
cest moi qui lai fait » ce breuvage, cad cest moi le
responsable. Coupe quil va finalement maudire comme Isolde
lavait maudite
Ich selbst
(moi-même)
Dans une 3ème station, Tristan transfiguré croit voir
Isolde qui va le sauver et lon entend la douce mélodie damour du 2ème acte.
Long développement mélodique qui culmine dans lappel
Sie lächelt mir Trost
(Son sourire m'apporte consolation)
Mais le rêve se transforme en réalité. Car Isolde
arrive. Le chant du pâtre se transforme. Tristan se lève
comme un fou pour laccueillir . Il titube, hors de lui de bonheur, car Isolde est la lumière qui sélève pour lui lorsque le
soleil terrestre va séteindre. Et la mélodie damour devient le matériau du
cri joyeux de mort de Tristan, proche de limpatience
dIsolde au 2ème acte. le chant du pâtre
saccélère. Kurwenal part au devant dIsolde.
Tristan dans un déchaînement arrache ses bandages, se
précipite en chancelant au devant de sa bien-aimée. Isolde
entre rapidement, hors dhaleine. Tristan ne peut plus
se dominer, sélance au devant delle et tombe inanimé dans ses bras. Il
glisse lentement à terre sur les notes du thème du regard.
Eine Stunde, nur eine Stunde
(Une heure, une seule heure )
demande Isolde. Il est trop tard, elle sévanouit sur
le corps de son bien-aimé.
Mais le jour intervient à
nouveau, exactement comme pour les deux autres fins dacte.
Marke, instruit par Brangäne, vient non pas en ennemi
mais pour pardonner et offrir le bonheur au couple réuni. Kurwenal,
persuadé quon vient reprendre Isolde, tue Melot et meurt lui-même près du corps de Tristan.
Dans un chagrin profond Marke plaint les morts
Tod denn alles, alles
Tod
(mort pour tout, tout est mort)
avec l'aimable autorisation du festival de Bayreuth pour les illustrations
Sur le site italien: http://www.rwagner.net/e-frame.html vous pouvez entre les principaux motifs de l'opéra