tanngrotte.JPG (8245 octets)Tannhäuser


OUVERTURE / PRELUDE


    Ouverture si l'on considère la version de Dresde ou prélude qui se fond dans le premier acte pour celle de Paris.
Comme pour le "
Vaisseau fantôme" elle est construite sur deux idées musicales fondamentales: le Mal s'oppose au Bien, l'enfer au ciel, "le chant furieux de la chair" (Baudelaire) aux aspirations de l'esprit. Ces deux idées musicales vont s'opposer mais elles ne se mêleront jamais .Le premier thème, calme profond, majestueux, à l'harmonie diatonique, en mi majeur,"un accord gigantesque résolvant toutes les dissonances" disait Liszt, accompagnera le choeur des pélerins. C'est le motif des pèlerins, thème auquel va s'ajouter par l'intermédiaire des cordes le motif du repentir.
    On imagine ce choeur qui arrive, envahit la scène jusqu'à ce que le thème des pèlerins éclate fortissimo puis lentement il va disparaître accompagné par le thème qui revient à sa forme initiale et s'éteint peu à peu.
    Brutalement jaillit alors un motif exprimant le désir et nous voilà transportés dans la deuxième partie chromatique, agitée; la tension monte instantanément avec le
thème du Venusberg
    Différents motifs vont se succéder rapidement dans des figures rythmiques que Liszt nommait: "
d'incitantes attractions de la sensualité, de vertigineux enchaînements, de prismatiques éblouissements..." Le désir monte , s'exaspérant jusqu'à un thème essentiel en Si majeur, celui de l'Hymne à Vénus.  Un autre thème important apparaît à la clarinette, instrument souvent associé à la sensualité féminine, la réponse de Vénus à Tannhäuser .
    Après une reprise des thèmes , l'ouverture se fond dans la
Bacchanale,  déchaînement vertigineux de débauche qui fit scandale à l'époque
tannvenus2.JPG (4898 octets)

ACTE 1

        Un déluge chromatique ininterrompu, un débordement de thèmes nous entraîne dans un climat brûlant de sensualité. La
Bacchanale s'articule en trois parties.
La première,
l'arrivée des Bacchantes reprend les éléments du Vénusberg et y rajoute un nouveau motif, le thème des Bacchantes, un  motif qui dégringole sur trois octaves marque l'ivresse des bacchantes.    Au sommet du délire éclate un  thème au chromatisme exacerbé l'embrasement des bacchantes.tannvenus2a.JPG (8551 octets)
        Puis un nouveau rythme, marqué par les castagnettes débute la seconde partie, avec les
satyres et les faunes qui se mêlent à la danse des bacchantes. La danse se déchaîne, dans un désir frénétique, sans cesse inassouvi jusqu'à la troisième partie avec l'arrivée des trois Grâces qui mettent les nymphes et satyres en déroute; dans une atmosphère d'attente langoureuse on entend au loin l'appel des sirènes qui nous entraîne en pleine féerie.
    Il n'y a pas de frontière avec la scène suivante qui forme dans la version parisienne un tout avec le Prélude et la Bacchanale. On y retrouve d'ailleurs les mêmes thèmes. C'est cette scène que Wagner a principalement modifiée en 1861. On y voit une
Vénus, plus amoureuse, moins sèche, plus humaine et l'orchestration, elle aussi, porte la marque des acquis de "Tristan". Tannhäuser, dans les bras de Vénus, semble s'éveiller d'un rêve. Ses premiers mots:

TANNHÄUSER
Zuviel ! zuviel !                
(Trop! C'est trop !)
Oh, dass ich nun erwachte !       
(Oh, si je pouvais m'éveiller à présent!)

    Le chevalier aspire à retrouver, l'air pur, la nature, les saisons:
"die Sonne", le soleil, "den Halm", l'herbe des prés, "die Nachtigall", le rossignol qui annonce le printemps.
Vénus, habilement va essayer de lui faire retrouver son enthousiasme d'antan en l'exhortant à prendre sa harpe et à célébrer l'amour, puisque c'est ainsi qu'il l'a séduite. Un combat va alors s'engager entre le "Minnesänger", le ménestrel, et la déesse:

VENUStannvenus.JPG (8435 octets)
Die Liebe feire, 
(Célèbre l'amour, )

  
Tannhäuser entonne alors le célèbre hymne à Vénus qui reprend l'hymne de l'ouverture et qui exprime le caractère fier et chevaleresque du Minnesänger et son attachement à la déesse:

Dir töne Lob ! Die Wunder sei'n gepriesen ,
(Louange à toi ! Je vante les prodiges (dont tu m'as comblé)
)

    Mais la deuxième partie exprime sa profonde nostalgie: il n'est qu'un homme et veut retrouver la terre:

Doch sterblich, ach ! Bin ich geblieben
(Mais simple mortel, hélas, je le suis resté
)

et la conclusion logique sera toujours la même à chacune des trois reprises:

Aus deinem Reiche muss ich fliehn
(De ton royaume, je dois fuir)
 
O Königin , Göttin ! Lass mich ziehn !
( Oh, reine, déesse! laisse moi partir !)


   
Vénus est surprise, inquiète, un motif de tierces mineures descendantes marque son angoisse à l'orchestre.
   
Tannhäuser entonne alors la deuxième strophe de son chant, un demi-ton plus haut avec un tempo légèrement plus rapide. Après la louange, il exprime sa nostalgie de la nature.
    La réaction de
Vénus est alors plus violente. C'est une amante trahie dont la colère fait penser à la "Reine de la Nuit":

Du preisest sie und will sie dennoch fliehn ?
( tu le célèbres et veux pourtant le fuir ?(le=mon amour))
Zum Überdruss ist dir mein Reiz gediehn ?
( Tu t'es lassé de mon charme ?
)

   
Suit un bref duo où chacun suit son idée sans écouter l'autre; les lignes de chant sont parallèles, les paroles complètement opposées. Au sommet de la dispute,
Vénus s'interrompt dans un cri. Après les invectives elle va utiliser la ruse et la douceur: un regard accompagné par des accords qui font penser à Isolde puis un chant souple, tendre, sensuel invite Tannhäuser à pénétrer dans la grotte sur la mélodie de clarinette de l'ouverture, celle qui incarne la sensualité de Vénus.
   
Tannhäuser se précipite alors sur sa harpe et entame la troisième strophe de son chant, à nouveau 1/2 ton plus haut que la précédente. Les paroles en sont importantes pour la suite de l'oeuvre.
    Il annonce d'abord qu'il célèbrera toujours les louanges de la déesse à la face du monde et restera son défenseur mais le désir de liberté est plus fort que tout :

TANNHÄUSER
Doch hin muss ich                 (Mais je dois retourner
zur Welt der Erden,               vers le monde terrestre,
)

  
Vénus sent alors qu'elle a perdu la partie et se déchaîne en imprécations: Zieh hin ! ( Va t'en !)

Hin zu den kalten Menschen flieh
( Fuis vers les humains au coeur froid)
...... Suche dein Heil - und finde es nie
(Cherche ton salut - et ne le trouve jamais
)

    La réponse de
Tannhäuser: "Der kehret nie zu dir zurück" (jamais vers toi il ne reviendra) provoque un changement d'attitude de la déesse; elle va s'apitoyer sur elle-même et emplie de séduction, tenter de le ramener à elle. Elle lui prédit alors qu'il sera rejeté par le monde et qu'il reviendra, suppliant, se réfugier dans son royaume:

VENUS
Nie ist Ruh dir beschieden
(Jamais le repos ne te sera donné)
Tannhäuser dans sa réponse finit sur ces mots
Mein Heil liegt in Maria !       
(Mon salut repose en Marie !)

    La scène qui suit est une idée de génie. Au simple énoncé du nom sacré de
"Maria" la déesse disparait. En trois accords, le Vénusberg se volatilise. Tannhäuser n'a pas bougé. Il se retrouve soudain dans une vallée au printemps tandis qu'un jeune pâtre célèbre la déesse Holda, qui est dans la mythologie germanique la déesse de l'amour et de la fertilité, donc Vénus vue sous un autre aspect.

    La simplicité du dialogue entre la clarinette et le cor, relayés par le chant du pâtre a capella, l'écriture vocale limpide, tout contribue à créer un climat de fraîcheur, de pureté, d'innocence en opposition totale aux accords déchainés du monde du Vénusberg et
le mois de mai que chante le pâtre n'est-il pas justement le symbole de la renaissance à laquelle Tannhäuser aspirait. Ce que le poète imaginait au plus profond de lui même se réalise sous ses yeux.
    Il va alors recevoir un choc d'autant plus puissant qu'il se produit à ce moment précis, après une nuit de luxure, après avoir échappé,- au prix de quelle lutte-, au royaume de Vénus, après s'être brutalement retrouvé dans un monde de pureté; voilà que, sans la moindre halte, le moindre temps de repos, passe le
cortège des pélerins qui se rendent à Rome pour demander l'absolution de leurs fautes. Cortège toujours en mouvement, comme dans l'ouverture, qui va traverser la scène et qui va provoquer le cri déchirant de Tannhäuser, immobile, point fixe, qui s'écroule, bouleversé, reprenant le thème du repentir, suppliant pour l'absolution de ses propres fautes.
    Mais le décor se transforme à nouveau avec l'irruption des
cors de chasse qui viennent briser ce calme, cette pureté. C'est le monde des seigneurs, des chevaliers, de la cour, un monde avec ses règles, ses conventions et c'est bien pourquoi la musique devient alors celle de l'opéra conventionnel avec ses airs, son sextette, son ensemble final. Après la reconnaissance des chanteurs, un peu sur la défensive au début, Wolfram se démarque des autres et montre son amitié dans des accents lyriques:

GegrüBt sei uns, du kühner Sänger,
( Salut à toi, fier chanteur )
der ach ! so lang in unsrer Mitte fehlst
( qui si longtemps, hélas, nous a manqué )


Mais
Tannhäuser, fatigué, mûri par l'expérience, ne veut pas retourner au sein d'un milieu dont il a déjà brisé les conventions. Il veut rester libre et notons qu'il prévoit déjà la réaction qu'il risque de provoquer:

Zum Kampf mit euch kam ich nicht her.          
(Je ne viens pas pour vous combattre.)
Seid mir versöhnt und lasst mich weiterziehn !     
(Faisons la paix et laissez moi partir !)

Le groupe se soude pour l'inviter à rejoindre la communauté. Il répond par de longues phrases de refus mais un seul mot, un mot magique prononcé par Wolfram, un cri va briser sa résistance:
"Bleib bei Elisabeth!" (Reste auprès d'Elisabeth!)
On retrouve le même accord parfait en ré majeur que pour le nom de
Marie, prononcé à la fin du Vénusberg, ce n'est évidemment pas un hasard. "Elisabeth", ce nom éveille en Tannhäuser un nouveau printemps, comme le printemps qui règne autour de lui.
Wolfram, alors, dans une très belle aria va rapporter au chevalier les évènements qui se sont produits après son départ: Elisabeth, touchée, séduite par la beauté de son chant, s'est fermée au monde, n'assiste plus aux concours:
WOLFRAM
War's Zauber, war es reine Macht,
( est-ce par magie, par ton simple pouvoir ,)

durch die solch Wunder du vollbracht
(que tu accomplis un tel prodige )


    Notons que la mélodie qui accompagne ces mots de
Wolfram réapparaitra au deuxième acte après les paroles du Landgrave annonçant le retour du chanteur. En effet, si Wagner utilise ici des mélodies indépendantes, il va pour créer une unité, répéter ces mélodies et ramener ainsi à la mémoire le texte qu'elles accompagnaient; à la différence des leitmotivs qui eux se transformeront sans cesse, ces mélodies restent identiques à elles-mêmes.
De même après le
" Zu ihr ! Zu ihr !" (Vers elle! vers elle!) par lequel Tannhäuser rejoint la communauté, on a ce qu'on pourrait appeler une "mélodie de réminiscence" qui réapparaitra dans le prélude du deuxième acte et après l'air d'Elisabeth
TANNHÄUSER
Ha , jetzt erkenne ich sie wieder
(Ha, maintenant je le reconnais (le=le monde))


Tandis que résonnent les fanfares du Landgrave ( on a récupéré le dissident ), un magnifique septuor final clôt l'acte et nous emporte vers un seul but :
"Elisabeth" .

ACTE 2
   
Elisabeth, c'est elle qui va dominer tout le deuxième acte. Le premier était axé sur Vénus et Tannhäuser, le second sur Elisabeth et le concours de chant de la Wartburg.

    Le prélude et l'
air d'Elisabeth ne font qu'un et nous transportent immédiatement dans un nouvel espace, visuel et musical: celui de la salle du concours. On a l'impression d' une course qui dérive directement du "zu ihr" de la fin du premier acte. Tannhäuser se précipite vers Elisabeth, Elisabeth vers Tannhäuser. Un motif ascendant, lumineux, en sol majeur aux violons marque le bonheur de la jeune fille, semblable à un cri de joie:
c'est le
motif de la joie d'Elisabeth

    A ce thème qui annonce l'
air d'Elisabeth répond le thème de Tannhäuser se précipitant vers elle. Dans ce dialogue entre Elisabeth (les hautbois, liés à la chasteté de la jeune fille) et Tannhäuser (les violons, liés à la sensualité et la sensibilité masculine) va se glisser, très bref, le thème de la malédiction de Vénus. Le mouvement se poursuit et Elisabeth s'élançant dans cet espace musical d'allégresse, s'adresse à la salle qui abrite les concours de chant et qui, tout comme elle, déserte et sans joie après le départ de Tannhäuser, va retrouver la vie:
tannhauser2.JPG (7643 octets)
Dich teure Halle grüB ich wieder
( - Toi, salle aimée, je te salue à nouveau)
froh grüB ich dich , geliebter Raum !
( joyeuse, je te salue,espace bien-aimé!)

    Introduit par
Wolfram, témoin muet de la scène, Tannhäuser la rejoint avec le même enthousiasme, la même ardeur, le même débordement d'amour. Il se jette à ses pieds et elle le relève avec ces mots

ELISABETH
  So stehet auf !      Nicht sollet hier Ihr
(Alors levez-vous...Vous ne devez pas ici vous
  knien, denn diese Halle ist euer Königreich
-agenouiller car cette salle est votre royaume)


    Cette salle lui appartient, bien sûr, mais évidemment aussi le coeur d'
Elisabeth qu'elle représente. Premier aveu d'amour. Suit alors une scène de confidences (la seule scène où ils seront en tête à tête). Tannhäuser va éluder les questions sur son absence; quant à son retour, il est du à un miracle. Alors Elisabeth va raconter la naissance de son amour, un amour qui n'a rien de platonique, un amour pur, un amour beau mais le trouble physique de la jeune fille est évident :

ELISABETH
Doch welch ein seltsam neues Leben    
Mais quelle étrange vie nouvelle

Elle dérange,
Elisabeth, la belle symétrie chair/esprit car, pour elle, pudeur ne signifie pas chasteté et elle n'en sera que plus blessée plus tard lors du concours de chant. Ce qui l'a séduite chez Tannhäuser, elle y fait une allusion qui prendra toute son importance dans la suite de l'acte:

ELISABETH
Die Weisen,die die Sänger  sangen     
(Les airs des autres chanteurs
erschienen matt mir,trüb ihr Sinn              
me parurent ternes et d'esprit confus ...)

L'art de
Tannhäuser est différent de celui des autres chanteurs (tout comme le drame musical wagnérien l'est de l'opéra traditionnel) et c'est lui qui a éveillé en elle des désirs inconnus. Le duo d'amour qui suit est beaucoup plus conventionnel mais la transition avec la scène suivante qui se fait grâce à cette clarinette dont nous avons déjà parlé.
L'arrivée du
Landgrave qui respecte l'émotion de la jeune fille annonce le concours de chant.
Suit alors, après les appels des trompettes, le célèbre morceau symphonique de l'entrée des invités. Celui-ci est construit autour de 3 thèmes, d'abord à l'orchestre puis repris par le choeur.
Le premier fait penser aux Maîtres Chanteurs; lent noble, il accompagne
l'entrée des premiers invités.
Le second sera lié à la
chevalerie, plus léger et sera repris par le choeur des nobles dames
Le troisième, plus martial, sera repris par
les hommes.
Les trois motifs vont alterner à l'orchestre et au choeur de manière très hiérarchisée tout comme la société qu'ils incarnent et ainsi, comme il nous avait transporté d'un lieu à un autre au premier acte, Wagner va nous emmener dans la
société de Thuringe et créer ainsi le socle où le concours va se dérouler.
La marche se termine par l'arrivée des
Minnesänger, les ménestrels avec un motif plus léger qui représente leur groupe: l'aristocratie:

Le
Landgrave évoque alors dans un récitatif la grandeur de son pays puis les tournois passés, jadis guerriers puis artistiques et révèle le sujet du concours "der Liebe Wesen" (l'essence de l'amour). Elisabeth elle-même remettra le prix du concours qui sera fixé par le vainqueur.( On retrouvera d'ailleurs tout ceci dans une scène analogue des Maîtres Chanteurs.)
Débute alors la
scène du Concoutannhauser2b.jpg (12195 octets)rs de Chant construite parfaitement avec une progression musicale et dramatique admirable.
D'abord c'est la joute oratoire entre les "
Minnesänger" ponctuée par les interventions du choeur, exprimant l'opinion de la collectivité , une joute qui va opposer les chanteurs non seulement sur leur conception de l'amour mais aussi sur celle de l'art.
Wolfram commence en s'accompagnant sur la harpe par un hymne à l'amour courtois, représenté comme la forme idéale des moeurs chevaleresque: Son esprit se plonge dans un recueillement infini face à l'étoile représentant la femme aimée, étoile dont la splendeur l'éblouit et il croit pouvoir trouver dans cette extase une satisfaction suprême; d'elle naît une source qu'il se contente de contempler, il n'osera jamais la troubler. C'est ce qu'il nomme :" der Liebe reinstes Wesen" ( l'essence la plus pure de l'amour"). Approbation, évidemment, des chevaliers et nobles dames.
Tannhäuser alors semble s'éveiller d'un rêve . Tandis que le thème du Venusberg passe discrètement il va défendre
" der Liebe wahrstes Wesen" ( la véritable essence de l'amour) : s'il doit apaiser sa soif, il tend ses lèvres à l'eau de la source de vie, il y boit la volupté à longs traits, sachant que ni la source, ni son désir ne sauraient tarir.
Les autres chanteurs interprètent mal cette image comme le prouve la réponse de
Walther; il assimile la source à la vertu, seule forme de relation autorisée aux chevaliers vis à vis des dames : ce délicieux breuvage ne doit désaltérer que leur coeur et non leurs lèvres assoiffées.
Approbation générale et là débute un véritable combat de
Tannhäuser face aux Minnesänger et à la société tandis que les motifs vénusiens se multiplient.Il se sent obligé de préciser sa pensée: bien sûr, il convient d'admirer à distance les merveilles de la création divine, mais il est tout aussi nécessaire de jouir "des merveilleux trésors qui plient sous la caresse, de ce corps, fait de la même chair qui se blottit contre vous".
Mais le malheur veut que
Biterolf s'indigne contre l'éloge de la jouissance amoureuse. Ses paroles comme la musique martiale qui l'accompagne appellent au combat contre le rebelle.
C'en est trop pour
Tannhäuser qui perd alors le contrôle de ses paroles, il en oublie son entourage, il oublie surtout la présence d'Elisabeth . Sa pensée se concentre uniquement sur les Minnesänger qui prônent une théorie dépourvue de tout contact avec la réalité ,qui refusent la description de cette réalité dans l'art. Comment Biterolf peut il parler de quelque chose qu'il n'a jamais connu ?
Wolfram essaie de détourner l'attention sur lui en revenant à son étoile dans un chant sans originalité duquel va jaillir la réponse de Tannhäuser.     Avec l'Hymne à Vénus face à Elisabeth, acte révolutionnaire en défendant la déesse face au Landgrave et aux rimailleurs de son clan, Tannhäuser met fin à la joute oratoire. Il se fait alors champion de la liberté de l'art et de la liberté dans le mode de vie, autrement dit de l'amour à l'abri de toute répression.

Dir Göttin der Liebe soll mein Lied ertönen! 
(Que pour toi déesse de l'amour résonne mon chant !
)

* NB : la première intervention de Tannhäuser ainsi que celle de Walther ont été supprimées dans la version de Paris
tannhauser2c.jpg (8244 octets)
    Scandale, horreur, les femmes s'enfuient, tout se désagrège, tout semble tétanisé. Seule reste, silencieuse,
Elisabeth. Elisabeth, blessée à mort, qui d'un seul cri, déchirant, sorti de ses entrailles, va faire taire les chevaliers furieux et se jeter au devant des épées pour protéger Tannhäuser de son corps. Elle signifie ainsi qu'elle ne fait plus qu'un avec lui. Elle va devoir s'interposer trois fois face à un choeur de fanatiques. avant de pouvoir se faire entendre.

   
Tannhäuser va s'éveiller de son extase et comprendre qu'il a non seulement brisé sa propre vie mais aussi celle d'Elisabeth. Et alors elle va lui offrir le pur amour qu'il avait rejeté. Elle renonce à tous ses désirs pour sauver le "maudit", pour lui donner la possibilité de repentir et de rachat et dans tout ce passage va dominer le sentiment religieux:
ELISABETH
Ich fleh für ihn, ich flehe für sein Leben
(je prie pour lui, je prie pour sa vie)

Tannhäuser
, saisi de remords, a fait appel à Marie pour la deuxième fois : "Erbarm dich mein !" ( prends pitié de moi) mais, au fond de lui-même, ce n'est pas sa propre vie qu'il veut sauver, il veut se montrer digne du sacrifice qu'Elisabeth consent pour lui. Il le dira dans le récit de Rome du troisième acte " pour adoucir les larmes de son ange."

Le
Landgrave conclue en prononçant le bannissement de Tannhäuser et en lui indiquant sa seule chance de salut : suivre les pélerins qui se rassemblent pour aller à Rome. Elisabeth et Tannhäuser vont se joindre au choeur, elle s'offre en sacrifice pour le sauver, lui va entreprendre le pélerinage pour l'ange qui s'est immolé pour lui.
L'acte se termine sur un cri :
"Nach Rom !" ( A Rome !)


ACTE 3

Le 3ème acte va être axé sur
le sacrifice d'Elisabeth et le repentir de Tannhäuser. L'introduction (à la fois prélude et ouverture) nous raconte le pélerinage à Rome de Tannhäuser.Entre le motif des pélerins et celui de l'intercession d'Elisabeth apparaît un nouveau motif qui marque l'anéantissement, l'accablement de Tannhäuser et qui sera la base du récit de Rome.
Puis du
motif du repentir de l'ouverture du 1er acte va se développer le motif de la rédemption, motif que l'on retrouvera dans Parsifal.
Le rideau s'ouvre sur la
vallée de la Wartburg à l'automne. Wolfram descend du château et voit Elisabeth, en prières devant la statue de la Vierge. Wolfram, l'ami fidèle qui pressent la mort et qui vient soutenir Elisabeth. Mais voici que les pélerins arrivent, envahissent la scène en chantant leur rédemption. Elisabeth, Wolfram isolés, traversant ce fleuve humain, cherchent en vain Tannhäuser puis cette simple phrase : "Er kehret nicht zurück !" (Il ne revient pas!) .
tannhauser3.JPG (8669 octets)Elisabeth s'adresse alors à la Vierge dans une très belle prière où elle offre son âme pour le salut de Tannhäuser et où elle n'aspire plus qu'à la mort:
Allmächt'ge Jungfrau, hör mein Flehen !
(Vierge toute puissante écoute ma prière)
Zu dir, Gepries'ne rufe ich !
( toi que l'on glorifie, je t'appelle)


    Différents motifs se succèdent pour accompagner l'ascension et la
transfiguration d'Elisabeth. Wolfram la suit du regard et chante alors un air mélancolique en s'accompagnant de sa harpe:

Wie Todesahnung Dämmrung deckt die Lande
(Comme un pressentiment de mort le crepuscule  recouvre la contrée)

Il poursuit avec la célèbre
romance à l'étoile
O du mein holder Abendstern ,
(O toi, ma douce étoile du soir)

    Soudain
Tannhäuser sort de l'obscurité accompagné par le motif de la damnation .
    Cette fois-ci, c'est
Tannhäuser qui le premier reconnait son ami et lui annonce avec sarcasme qu'il recherche le Vénusberg. Wolfram recule horrifié et le presse de questions. Devant cet ami qui éprouve de la compassion pour lui, Tannhäuser va ouvrir son coeur et raconter avec amertume son pélerinage. Ce récit est un exemple extraordinaire de concordance entre le texte et la musique orchestrale et vocale. Ce n'est ni un simple Lied , ni une aria, c'est du Sprechgesang avec toute sa puissance dramatique soutenu par tout le matériel thématique de l'ouverture.
Le récit de Rome s'articule en trois parties: La première, le pélerinage, raconte ses souffrances, ses privations, son expiation ,le tout pour adoucir la douleur de celle qu'il nomme maintenant son ange. La deuxième est le sommet de l'action avec l'arrivée à Rome et l'entrevue avec le pape. La sentence tombe avec toute sa dureté implacable et alors éclate le motif de la damnation:
.........
Hast du so böse Lust geteilt,       
(Si tu as partagé des plaisirs si odieux..)

Comme le bâton qu'il tient dans sa main jamais ne refleurerira, jamais il ne pourra obtenir la rédemption.
Suit la troisième partie avec le récit du retour:
Tannhäuser, après le choc prend le monde en horreur, il ne lui reste plus qu'à rejoindre Vénus qu'il invoque.
Accompagné par tous les motifs qui le caractérise, le monde de la déesse apparaît sous les yeux horrifiés de
Wolfram. Un combat s'engage entre les deux amis, combat qui va se terminer par un cri de Wolfram: Elisabeth !
Elisabeth qui est morte pour lui: "La puissance sacrée de l'amour", que Wolfram chantait et que Tannhäuser recherchait, lui a offert le dernier, le plus grand des sacrifices. Ce qu'il poursuivait jusque dans l'ivresse des sens, l'éternel féminin le lui apporte par son sacrifice:   la paix et la rédemption.
Tout va alors très vite: le monde de
Vénus disparaît, des chants tannhauser3b.jpg (9824 octets)religieux annoncent la sanctification d'Elisabeth ; on entend le thème de la rédemption et Tannhäuser meurt avec les mots :"Heilige Elisabeth, bete für mich !" (Sainte Elisabeth, prie pour moi ) .tandis qu'un choeur de jeunes pélerins annonce que le bâton du pape a refleuri.

  On a parfois reproché à "Tannhäuser" son manque d'unité de style ,les passages italiénisants lorsqu'il dépeint la société traditionnelle, mais on ne peut nier que le récit de Rome, la malédiction du pape qui s'enchaîne sur la musique du Vénusberg et toute la scène qui suit annoncent déjà le Maître du "Drame musical".


Présentation : Odile Steller

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