Lohengrin
Acte1
En l'an 932 règnent le trouble et
linsatisfaction dans le royaume de Brabant où le roi
Henri l'Oiseleur, le
premier des rois de souche saxonne, est en train de réunir une armée pour sauver le pays
des envahisseurs hongrois. En qualité de juge suprême, il dispose d'une autorité
absolue et doit mettre fin aux discordes qui déchirent la province de Brabant.
Un couple sombre se tient devant le roi,
sombre par la tenue, sombre par le regard, sombre par les intentions: le comte
Frédéric de Telramund, régent
désigné par le duc mourant et sa femme Ortrud.
Descendante d'une vieille race païenne, usant de pouvoirs de
sorcellerie, elle a su convaincre Telramund que la princesse légitime de Brabant, Elsa, avait assassiné son jeune
frère, Gottfried, héritier
du duc, disparu de façon mystérieuse.
Telramund devait épouser Elsa. Devant l'horreur du crime dont il la croit coupable, il dit l'avoir
repoussée pour épouser Ortrud et lorsqu'il présente son épouse, les trombones font entendre un
accord brusque, soudain, ténébreux,
Es fasste mich Entsetzen
(je fus saisi d'horreur)
C'est dans cette atmosphère ténébreuse
que Frédéric prononce
l'accusation et revendique pour son compte la couronne de Brabant, sous l'influence muette
mais menaçante de la magicienne qui est sa femme .
Nun
führ ich Klage gegen Elsa von Brabant
(Je
porte plainte contre Elsa de Brabant)
Telramund
est d'ailleurs persuadé de sa bonne foi: Je dis la vérité, toute traîtrise m'est
étrangère" sont
ses premiers mots et, même après avoir été impressionné par les paroles d'Elsa, le
peuple prendra parti pour lui qui a la réputation d'être un valeureux chevalier, sans
exception aucune: "Nous
ne combattrons jamais contre toi !" Nous
ne combattrons jamais contre toi !"
Pourtant
il se contredit car, juste après avoir porté son accusation, il va reprocher à la jeune
fille d'avoir osé repousser sa main car elle avait une liaison secrète. Ortrud ,elle, ne prononce pas un
seul mot mais quelle présence ! En réalité c'est elle qui, tout au long des trois actes
de Lohengrin, va exercer
une malfaisance totale, intégrale, continue .
Aucun
contraste plus grand n'est imaginable entre cette magicienne cruelle et le personnage
délicat, innocent, naïf d'Elsa qui apparaît alors, personnage complexe, à l'individualité
nettement prononcée qui vit dans un rêve mais qui sait aussi penser. Son entrée est
caractérisée par les bois, un motif timide l'accompagne en la bémol mineur, exprimant
le désespoir d'Elsa. Le choeur souligne l'innocence de la jeune fille
Plus le roi,
ému par son apparition, lui pose de questions, plus elle se referme sur elle-même: Elle
doit exprimer sa défense, commence son récit calmement, mais semble s'éloigner toujours
de la réalité, retourne dans un monde de rêve et de croyances naïves :
Einsam
in trüben Tagen habe ich zu Gott gefleht
(Seule,
en ces sombres jours, j'ai prié Dieu)
Des
Herzens tiefsten Klagen, ergoss ich im Gebet
(La
plainte profonde de mon coeur, je la déversais en prières)
Sa
prière l'a emportée dans un rêve où un chevalier lumineux lui apportait le réconfort.
Des
Ritters will ich wahren, er soll mein Streiter sein
(J'attends
ce chevalier, il sera mon champion)
Le peuple
s'inquiète: elle ne répond pas aux questions, les paroles humaines ne pénètrent plus
dans la sphère où elle s'est isolée. La foule est d'ailleurs surprise, troublée
lorsque le roi se montre favorable au désir extravagant d'Elsa et accepte de faire
appeler le chevalier. Le trouble va se transformer en angoisse lorsque l'appel du héraut
résonne sans réponse. Elsa tombe alors en prière où toute l'évolution modale se resserre, se
concentre.
Du trugest zu ihm meine Klage.......
(Tu
lui portas ma plainte)
Sa foi est
alors récompensée. C'est le prodige. Debout sur une nacelle, tirée par un cygne, le
chevalier approche. Le choeur commente l'arrivée du
cygne. Texte volontairement éclaté où reviennent sans arrêt les mots : Wunder ( miracle) Schwan ( cygne) Ritter ( Chevalier):
Le
chevalier aborde et fait ses adieux au cygne:
Nun,
sei bedankt, mein lieber Schwan ...
(sois remercié, mon cher cygne)
Lohengrin arrive. Il arrive d'une sphère de splendeur radieuse. C'est un
élément venu d'ailleurs, vivant miracle, surnaturel, supraterrestre, toutes les
expressions qui le désignent sont composées avec la racine "Wunder" ( miracle) et
à ce miracle est liée l'idée de lumière "
Licht" , rayon de soleil, reflet des flammes,
lueur d'un feu céleste, etc....
Lorsqu'il arrive,
"héros public", pourtant
se pose un problème. Symbole de l'absolu, il vient sauver Elsa mais à sa vue, que se
passe-t-il ? La surprise qui se lit sur son
visage trahit la flamme subite, imprévue, d'un amour immédiat. Il aspire alors à devenir un être
terrestre et prononce ces paroles fatales sur une quinte descendante en la bémol mineur,
reprise en la mineur :
Nie sollst du mich
befragen, noch Wissens Sorge tragen
(Jamais
tu ne devras me demander, ni chercher à savoir)
Woher ich kam der Fahrt ,noch wie mein Nam und Art
(D'où
je vins , ni quel est mon nom ou ma nature)
Elsa
presque inconsciente a promis. Telramund est battu en duel: la
force de l'envoyé de Dieu a prouvé l'innocence de la jeune fille. Elsa exprime son allégresse.
O
fänd' ich Jubelweisen ....
(
Oh si je trouvais un chant de jubilation) (Jamais
tu ne devras me demander, ni chercher à savoir)
Woher ich kam der Fahrt ,noch wie mein Nam und Art
(D'où
je vins , ni quel est mon nom ou ma nature)
Elsa
presque inconsciente a promis. Telramund est battu en duel: la
force de l'envoyé de Dieu a prouvé l'innocence de la jeune fille. Elsa exprime son allégresse.
O
fänd' ich Jubelweisen ....
(
Oh si je trouvais un chant de jubilation)
Elsa
presque inconsciente a promis. Telramund est battu en duel: la
force de l'envoyé de Dieu a prouvé l'innocence de la jeune fille. Elsa exprime son allégresse.
O
fänd' ich Jubelweisen ....
(
Oh si je trouvais un chant de jubilation) (Jamais
tu ne devras me demander, ni chercher à savoir)
Woher ich kam der Fahrt ,noch wie mein Nam und Art
(D'où
je vins , ni quel est mon nom ou ma nature)
Elsa
presque inconsciente a promis. Telramund est battu en duel: la
force de l'envoyé de Dieu a prouvé l'innocence de la jeune fille. Elsa exprime son allégresse.
O
fänd' ich Jubelweisen ....
(
Oh si je trouvais un chant de jubilation)
Et
tandis que tous les assistants célèbrent la victoire,
Telramund, à terre, pleure
sa défaite et Ortrud clame sa haine.
ACTE
2
Le deuxième acte s'ouvre sur
la cour du château d'Anvers, la nuit. Une nuit dans un ton de fa dièse mineur, en
contraste absolu avec l'atmosphère du 1er acte.
Le dialogue nous révéle l'emprise de la
magicienne sur son époux. Telramund, même si les termes d'orgueil et d'honneur sont toujours présents
dans sa bouche ( il les répètera cinq fois), n'est qu'un jouet aux mains d'Ortrud. Pourtant, au départ il
l'accuse de malfaisance. Il va même la traiter de "fürchterliches
Weib" (femme
effroyable) et veut se venger de celle qui est la cause
de son déshonneur.:
Durch
dich muBt ich verlieren
Par
toi j'ai du perdre
Mein
Ehr, all meinen Ruhm
Mon
honneur, toute ma gloire
En
vérité, c'est la volonté de puissance qui inspire Telramund
(
il reconnait l'avoir épousée pour pouvoir régner sur le Brabant) mais il ne se rend pas
compte qu'il s'est placé sous la domination absolue de sa femme et qu'il est lui-même le
jouet d'une autre ambition beaucoup plus dangereuse. En
quelques mots bien choisis, car elle est très psychologue, Ortrud
le
retourne contre
Lohengrin. Ce n'est pas
elle, la magicienne, voyons, c'est Lohengrin qui a des pouvoirs maléfiques et s'il l'a vaincu, c'est par magie .
Alors, comme elle est
diaboliquement belle, qu'elle met le feu au corps de Telramund, qu'elle lui parle avec une douceur toute chargée de sensualité,
elle n'a aucun mal à le convaincre et la scène va s'achever sur le serment de vengeance
qu'elle obtient de lui
Der Rache Werk sei nun
beschworen
( Que le serment soit fait d'accomplir la vengeance
aus
meines Busens wilder Nacht
qui
jaillira de la nuit sauvage de mon coeur)
Tout de suite
après, le contraste, le retour aux tonalités lumineuses d' Elsa qui chante son bonheur:
Euch
Lüften, die mein Klagen so traurig oft erfüllt
(Brises
que ma plainte a souvent emplies de tristesse)
euch muB ich dankend sagen,wie sich mein Glück enthüllt
(Je
dois vous dire,reconnaissante,quel bonheur se révèle à moi
Ortrud va appeler Elsa en gémissant. La jeune
fille, apitoyée, quitte le balcon pour venir la chercher. Ortrud révèle alors toute sa
personnalité dans un saisissant monologue avec l'appel à la
vengeance et aux dieux païens Wotan et Freia:
Entweihte Götter! Helft
jetzt meiner Rache !
(Dieux
profanés ! Aidez ma vengeance!)
Elle
tient dans la main tous les fils et si par ses intrigues, elle réussit à se débarrasser
de
Lohengrin, alors la voie
sera libre pour la puissance, pour la réintronisation des anciens dieux.
Elsa relève Ortrud et lui promet d'intervenir en sa faveur auprès de Lohengrin, mais cette dernière va aussitôt semer le premier doute en
feignant de craindre que le mystérieux chevalier ne reparte comme il est venu; Elsa écarte ses craintes et
l'emmène chez elle. Le sort en est jeté, Telramund
le dit :
So
zieht das Unheil in dies Haus...
(Ainsi
le malheur entre dans cette maison).
L'aube
rosit, les trompettes résonnent, le choeur salue le début du jour. On a comme une
détente après toute la noirceur de cette nuit. Le héraut annonce le bannissement de
Frédéric, la nomination
de Lohengrin comme
protecteur du Brabant, le mariage d'Elsa et le départ imminent pour la guerre. Perdu dans la foule, Frédéric recrute quatre
seigneurs pour se venger. Le cortège nuptial paraît.
Au moment où
Elsa va entrer dans
l'église, Ortrud lui
barre le chemin dans une scène inspirée du Nibelungenlied où Kriemhild et Brünnhilde
se disputent la préséance. Ortrud interroge alors par deux fois Elsa sur les origines de son époux:
Kannst
du ihn nennen ?
(Peux tu le nommer)
Elsa réagit en défendant
passionnément Lohengrin mais seule l'arrivée du roi et du chevalier permet d'interrompre
Ortrud. Elsa, inquiète, demande l'aide de Lohengrin
qui l'entraîne vers l'église. Mais l'harmonie est à nouveau
rompue par Telramund qui
accuse Lohengrin de
magie. Ce dernier refuse de dévoiler qui il est, seule Elsa
peut le lui demander:
Nur
Eine ist's, der muB ich
Antwort geben
Il
n'y en a qu'Une seule à
qui je dois une réponse
Elsa
.... Elsa
..... Elsa Elsa
wie seh ich dich erbeben!
Elsa
.... Elsa ... Elsa Elsa Comme je te vois
trembler !
Entre les
deux appels "Elsa", un tournant décisif s'est produit: Elsa n'a rien dit mais Lohengrin a vu sa réaction; la
musique la trahit: le doute frémit en elle.
ACTE
3
Le
troisième acte s'ouvre sur une marche nuptiale
construite sur trois thèmes
qui enchaînent sur le célèbre choeur nuptial connu
dans le monde entier :
Treulich
geführt, ziehet dahin,
(Sous
notre fidèle conduite, entrez là)
Enfin
les époux se retrouvent seuls :
LOHENGRIN
:
Das süBe Lied verhallt
Le doux chant s'éteint
Lohengrin
alors, qui aspire à devenir humain pour l'amour d'Elsa, devient un être terrestre,
accessible aux sentiments. Dans cette scène capitale les deux époux cherchent en vain
leur union. Elsa, de
son côté revit son rêve et exprime son désir d'un amour absolu, passionné, un amour
qui implique une fusion totale avec l'être aimé, donc une connaissance de lui:
Doch
ich zuvor schon...
(Mais je t'avais déjà...)
Lorsqu' Elsa réagit, c'est dans le mystère de la nuit de noces, lorsqu'elle va
devenir femme. Lohengrin, ne fut-ce qu'un instant a défailli dans ses bras. Pourquoi ne
serait-elle pas son égale? Pourquoi ne formeraient-ils pas un vrai couple où règnerait
la confiance mutuelle. Elle le lui dit d'ailleurs :
Ach könnte
ich deiner Wert erscheinen
(Ah, si de toi j'étais digne)
Dans
toutes les déclarations d'amour s'exprime la peur d'Elsa,
dans les paroles de Lohengrin se découvre peu à peu la
divinité du chevalier.
Höchstes
Vertrauen hast du mir schon zu danken
(je t'ai déjà accordé la plus grande confiance)
Au lieu de
rassurer Elsa, ces
paroles augmentent son angoisse. En proie à l'agitation la plus vive, elle prête
l'oreille avec épouvante, puis vient l'hallucination qui la terrorise: Doch dort ! Der Schwan ! Der Schwan! "(Mais là-bas! Le cygne!
Le cygne!) En cet instant
fatidique, elle est parvenue au bout de sa réflexion et de son désir de savoir. Lorsque,
plongée dans le plus extrême tourment, elle pose la question interdite, Elsa déchire volontairement le
dernier lien, entre elle et lui.
Weh
uns ! Was tatest du ?
(Malheur
à nous! qu'as-tu fait ?)
A ce moment, Telramund pénètre, armé, dans
la chambre nuptiale; elle tend à son bien-aimé l'épée qu'il a posée là, un symbole :
l'épée est une partie de son âme divine. Lohengrin
alors, cessant d'être un dieu s'effondre sous le coup d'une
douleur bien humaine lorsqu'il prononce ces paroles, accompagnées du motif de l'amour:
Weh
! Nun
ist all unser Glück dahin
(
Malheur ! Tout
notre bonheur s'est enfui !),
Mais cela ne dure que
quelques instants. Incarnation de l'absolu, il est en effet voué à un échec fatal
lorsqu'il devient un être terrestre. Il a voulu connaître son épanouissement à
l'intérieur des limites imposées à l'homme, mais c'est impossible car il ne peut jamais
renoncer à sa fonction. Et il redevient alors un héros public.
Le désespoir d'Elsa est couvert progressivement
par les fanfares car la réponse qu'elle attend , ce n'est pas à elle seule qu'il la
donnera, mais devant l'armée toute entière rassemblée. Redevenu supra-naturel, il va se
transformer en accusateur. Il va d'abord accuser Telramund
d'avoir voulu le tuer mais surtout Elsa, contre qui il porte plainte
en public:
Zum
andern sollt ihr Klage hören
(Je
porte plainte contre quelqu'un
d'autre)
Elsa ne souffre pas assez,
il faut qu'il en rajoute. Il en devient cruel. Lui en veut-il d'avoir voulu, lui, être
humain et d'avoir échoué. Et lorsqu'il dévoile sa personnalité dans le célèbre récit du Graal, on sent qu'il est
redevenu un être d'ailleurs. Le récit, entièrement construit sur le thème du Graal qui y subit diverses
variations atteint son point culminant dans un état de tension extrême lorsque au terme
du crescendo le chevalier dévoile quasiment a capella son nom et ses origines :
In
fernem Land,
Dans
un pays lointain
Le cygne approche,
le rêve d'Elsa se
réalise. Lohengrin fait
ses adieux. Il tend à la jeune femme l'épée, l'anneau pour son frère. La musique, les
fanfares annoncent la victoire de "l'histoire" mais ses paroles:
Leb
wohl ! leb wohl! (Adieu)
mais
littéralement :
"Vis bien",
semblent dérisoires devant la douleur d'Elsa.
Ortrud, triomphante (elle a réussi à faire partir Lohengrin), révèle sa vengeance
: le cygne n'est autre que Gottfried qui aurait retrouvé apparence humaine après une année de séjour
de Lohengrin auprès d'Elsa.
Lohengrin,
par sa prière, délivre le jeune garçon. La
"politique" a gagné( le duché retrouve un duc), mais pour le spectateur le
drame finit mal.
Dans
un crescendo, le chevalier disparaît, à nouveau muré dans sa splendeur. Il ignore le
destin tragique d'Elsa qui l'appelle et s'écroule, inanimée sur le sol.
Odile
Steller
Avec l'aimable autorisation du Festival de Bayreuth pour les illustrations
Sur
le site italien: http://www.rwagner.net/e-frame.html
vous pouvez entre les principaux motifs de l'opéra
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