]

Die Meistersinger à Glynderbourne: une mise en scène “réactionnaire”

 

 

 

Chers amis dévots du Regie Theater et adorateurs de Sainte Catherinette de Bayreuth,

 

laissez moi vous parler aujourd’hui d’un spectacle qui m’a fort chagriné et que je veux livrer à votre sagacité. En 2012 le festival de Glyndebourne  a monté les Meistersinger sous la direction de Vladimir Jurovsky avec une mise en scène de David Mc Vicar. Je ne dirai rien de l’interprétation orchestrale et vocale, qui était en tout points admirable, avec des artistes d’exception, comme Gerald Finley (qui marquera le rôle  de Sachs en ce début du 21e siècle), où Johannes Martin Kränzle, fabuleux acteur-chanteur dans Beckmesser.


Cela étant dit, il est d’autant plus navrant de constater que la conception de Mc Vicar est en rupture avec les normes et les standards de notre époque et marque un recul en arrière par rapport aux avancées glorieuses de ces dernières années. Figurez-vous que ce garçon a choisi tout simplement de respecter quasiment à la lettre les indications scéniques et les didascalies de Wagner !
Un exemple : à l’ouverture du rideau au premier acte on s’attendait à ce que Mc Vicar exploite une des diverses options de notre temps et que l’action se déroule dans un bordel, un hôpital, un asile de fou ou bien encore un cloaque (comme on l’a vu récemment à Bayreuth pour Tannhäuser) ; eh bien non !  Le rideau se lève et nous découvrons l’église Sainte Catherine à Nuremberg, avec en plus un superbe tableau de Dürer en fond de scène ; le metteur en scène a poussé le vice jusqu’à observer l’indication de Wagner qui dit que l’on doit voir l’église suivant « une section oblique » !
Par ailleurs, les options ne manquaient pas non plus pour transposer l’action à une époque différente : dans le Bronx en 1925, avec la guerre des gangs, dans les années trente en Allemagne, ou pourquoi pas au Japon de l’époque des shogun en théâtre Nô (ça s’est vu il y a quelques temps avec « le Vampire »  de Marschner), ou bien encore dans les royaumes Africains Songhaï ou Monomotapa au moyen age. Rien de tout cela ! David Mc Vicar s’est contenté de déplacer l’intrigue au début du dix-neuvième siècle, mais on ne voit guère de différence avec le quinzième siècle d’origine, étant donné que les lieux n’ont pas changé et que les costumes des personnages sont superbes et comme intemporels.  

Même chose au deuxième acte où l’action se passe devant l’échoppe de Sachs, avec une statue au milieu de la scène et l’inévitable sureau à la fragrance enivrante.
A la fin de l’acte, Mc Vicar a raté de surcroît une occasion unique de mettre en valeur la dimension social-révolutionnaire de Wagner au moment de la grande bataille : tout cela aurait pu se passer, par exemple, dans une usine où sur un terrain vague où s’affronteraient ouvriers et bourgeois dans un épisode de lutte des classes ; pas du tout : on assiste à une solide et joyeuse empoignade, d’ailleurs fort bien chorégraphiée, de braves gens dont on a perturbé le sommeil et qui s’excitent un peu en cette nuit de la Saint-jean où monte la sève.

Mais le pire est à venir au troisième acte. Tout d’abord l’atelier de Sachs, trop luxueux, trop riche, trop artisanal, où l’on sent partout l’odeur de la poix et du livre, alors qu’il aurait fallu représenter un hangar sale et à moitié en ruine dans un misérabilisme de bon aloi. Mais cela n’est rien en comparaison de ce qui suit pour la scène 5 avec la Fête et le défilé des corporations ; Mc Vicar a tout simplement raté la plus belle occasion de sa vie de faire un « coup » et de s’assurer à jamais  une célébrité internationale: à l’évidence, il eut fallu représenter en ce lieu (à Nuremberg !) les défilés célèbres des années 30, avec les congrès du parti, les emblèmes associés (svastika et autres) et pourquoi ne pas aller jusqu’au bout dans la provocation et faire le salut avec la main tendue !  Cela s’est fait récemment à Düsseldorf, avec le succès que l’on sait… Eh bien que voyons-nous au lieu de cela ?  Une fête populaire joyeuse où coule la bière, où l’on s’amuse, où l’on danse et où on se taquine gentiment entre apprentis, et tout cela est lumineux, coloré, avec les bannières, les costumes et les décorations florales. Lamentable ! Comment peut-on rater une telle opportunité ?  Est-ce de la bêtise ou du vice ? 


Parlons un peu maintenant de la caractérisation des personnages. Là encore on reste atterré.

Il y avait pourtant tellement de pistes audacieuse à suivre, en particulier pour les relations amoureuse entre les protagonistes : pourquoi ne pas suggérer, par exemple, une relation pédophile entre Sachs et David ? Mc Vicar aurait pu sans peine mettre en relief des attitudes ambiguës dans le comportement des deux personnages. De même on pouvait évoquer sans forcer une composante lesbienne dans la complicité si évidente entre Eva et Magdalena ; et que dire pour Beckmesser au caractère si tortueux, dont on devine la perversité latente (mais que Mc Vicar arrive cependant à rendre émouvant à la fin du troisième acte !) Eh bien là encore,  il ne faut s’attendre à rien d’exceptionnel: on nous présente simplement l’histoire d’un jeune homme qui aime passionnément une jeune fille et c’est tout ; même chose d’ailleurs pour le couple David et Magdalena (et pourtant la différence d’age entre les deux amants aurait pu suggérer tant de choses !). Non, vraiment, tout cela est d’une banalité déconcertante : comment peut-on encore à l’age de la théorie du « gender » et du « mariage pour tous » se contenter de telles conventions ?  Décidément, David Mc Vicar ne veut pas être en phase avec son temps et s’enfonce délibérément dans une attitude réactionnaire…
 

Et puis, au total, ce qui est insupportable dans ce spectacle c’est que tout est trop beau, trop propre, trop bien brossé : des décors éclatants aux couleurs lumineuses, des costumes harmonieux et richement décorés, comme si on voulait nous en mettre plein la vue. Mais le plus révoltant sans doute, c’est que les principaux personnages, Walther, Eva, Sachs, Magdalena, David, eux aussi sont tous beaux !  Nous avons dans ce spectacle de la beauté partout, une overdose de beauté, à en être écœuré, comme avec un vin trop sirupeux. Mc Vicar ne sait-il pas que la beauté c’est dépassé aujourd’hui ? C’est de la provocation à rebours ! Et puis, avec le principe de la parité qui s’impose à tous, il faut faire place à la laideur, à l’infâme, à l’ignoble ; le refuser, c’est faire de la D.I.S.C.R.I.M.I.N.A.T.I.O.N par rapport aux non-beaux! Et c’est interdit par les traités internationaux, les conventions et la religion de ma concierge. Il va bien falloir se mobiliser pour faire supprimer définitivement ce beau qu’on veut nous imposer. Nos différents réseaux sont à l’œuvre pour agir dans ce sens et comme on a récemment fait disparaître le genre sexué ou la notion de « race » par décret, nous arriverons bien à faire sauter cette notion décidément fasciste, comme nous l’avons fait pour le Vrai, le Bien, le Juste… A la trappe les Idées platoniciennes et Platon avec !  Il faudra bien faire comprendre à ces gens là que désormais les Commandements des nouvelles Tables de la Loi sont : déconstruction, blasphème, dénigrement et transgression !

Pour terminer, je voudrais mettre en garde solennellement ceux d’entre vous, polissons ou pervers polymorphes, qui après avoir lu cet article se précipiteraient sur leur ordinateur pour commander le DVD ou le blue ray de cet opéra, comme il y a cinquante ans on achetait en catimini des revues cochonnes dans les kiosques. Qu’ils sachent qu’ils sont surveillés et qu’ils risquent gros ; leur nom sera flétri à jamais et effacé du Livre de Vie, sans préjuger des peines corporelles : épilation forcée, démembrement, émasculation à la Klingsor… Et pire que tout cela, nous les dénoncerons nommément à Sainte Catherinette et ils  perdront à jamais le droit d’obtenir des places pour le festival de Bayreuth ! Cela devrait suffire, je pense, à dissuader une fois pour toutes ceux qui seraient tentés par cet acte scandaleux.

En tout cas, on vous aura charitablement prévenu, chers amis : c’est à vos risques et périls !